Casablanca ville d'art 2013

Bien sûr Casablanca n'est pas Florence, ni même Bilbao avec son Guggenheim, et pourtant lors de mon dernier séjour, deux espaces de la cité m'ont permis de redécouvrir la place inexorable et agissante de la création esthétique dans la vie des hommes, même si une décharge sauvage n'est pas loin et peut-être à cause de ce voisinage.

Le studio des Arts Vivants, 38 route d'Azemmour, a organisé une exposition sur le peintre-écrivain Mahi Binebine. Pour la France il est l'auteur du livre Les étoiles de sidi Moumen dont a été tiré le film Les chevaux du soleil, deux œuvres éclairantes sur la métamorphose psychologique des oubliés des bidonvilles en de possibles kamikazes.

Mahi Binebine est aussi un grand peintre qui revient sans cesse sur une souffrance humaine éternellement en gestation. Il crée avec de la cire d'abeille et des pigments qui ne prennent jamais le pas sur l'expression de la douleur. Le visiteur est devant Atlas qui chancelle mais qui ne tombe pas. Liberté à chacun d'entendre au creux de cette expérience où il se voit comme dans un miroir, une signification hautement politique de l'écrasement et de la résistance.

Dans le centre ville, plus précisément pas loin du quartier du Mâarif, j'ai été attirée par la devanture en fer de l'Atelier 21. Les grandes photographies somptueuses de Majida Khattari relèvent le défi de plaire et d'inviter à la réflexion. Exposant le sujet voilé qu'on dévoile ou le sujet dévoilé gardant tout son mystère, la jeune artiste travaille les motifs, la trame des tissus, leur lourdeur ou leur transparence comme des auras autour des personnages féminins.

Le visiteur revient charmé et gagné malgré lui par le bien fondé de l'analyse dans ses jugements.

Alors, Casablanca métropole économique et industrielle, toujours comparée et dénigrée par rapport aux villes impériales, ne mérite-t-elle pas que les décideurs du pays ou d'ailleurs y installent un grand, un immense musée, de la taille de ses galeries commerciales, afin que tout le monde, les riches et les pauvres, ait accès au patrimoine artistique du passé et du présent?