La circoncision
Au début de l’été…
Il fait chaud, les blés sont moissonnés et le bled vibre dans la fournaise. Seul un bruit circule, demain le coiffeur vient circoncire les garçons du douar.
Chaque père a acheté au souk, le vendredi précédent, une petite robe neuve et la veille de la cérémonie, chaque mère dorlote une dernière fois son petit enfant qui, demain, aura grandi. Elle le lave soigneusement, souhaitant secrètement que le temps s’arrête, mais sachant dans le fond de son cœur, que cette épreuve est incontournable. D’ailleurs la question de la rejeter ou pas ne se pose aucunement. Ceux qui ont été circoncis les années précédentes, osent quelques plaisanteries devant les garçons novices. C’est leur façon de les préparer à être courageux et à ne pas crier.
Le lendemain, le coiffeur est acclamé par les youyous des femmes. Le père qui a mis sa djellaba d’apparat, tient solidement son garçon et le coiffeur, après avoir mesuré la longueur de ce qu’il doit couper avec son doigt posé à plat, tire vivement la peau du pénis et la tranche d’un coup de lame.
L’enfant a de l’effroi dans les yeux et des larmes roulent comme des perles sur la peau lisse de son visage ; sa petite robe, vite rabattue se tache de petites gouttes de sang. Les femmes poussent les youyous. Puis, très vite, il se mêle aux réjouissances préparées en son honneur.
Il est fier car il n’a pas crié ; il peut rentrer dans la communauté des hommes ; son père le prend à côté de lui et lui donne les meilleurs morceaux du méchoui que la mère a déposé devant eux. Il a un peu souffert, mais il est le roi de la journée et partage cette royauté avec tous ceux qui, comme lui, ont quelques gouttes de sang sur leur petite robe.
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