"je suis un sujet, je veux être un verbe aussi" C'est à travers cette revendication portée au Maroc par les manifestants du 20 février 2011 lors des dits Printemps arabes, que je voudrais cette année parler de la route parfois âpre du pays arabe. ![]() Si je ne cesse d'évoquer l'accueil abrahamique (le chêne de Membré) qu'ont su garder et développer les arabes musulmans et chrétiens depuis les temps anciens, je veux à présent analyser les dépouillements nécessaires pour parler de l'altérité exigeante, parfois difficile, vécue sur cette route du pays arabe. Elle passe nécessairement et durement par des conflits et des dépouillements. Dépouillement du marocain qui surmonte sa rancœur, son ressentiment vis-à-vis de l'ancien colon, du nouveau blanc touriste riche, dépouillement de mes attitudes primaires de celle qui croit être née du bon côté. Je m'explique par un exemple vécu à travers celui des petits taxis rouges de Casa. ![]()
Prendre un p'tit taxi à Casa relève du défi, de l'aventure , de l'intelligence et donne tout son charme à la vie dans cette ville. Voulant cette année capter leur dimension pittoresque, colorée, leur énergie de serpent pour se faufiler dans les embouteillages les plus serrés, je me suis soudain heurtée aux refus des chauffeurs devant mon appareil de photo qui voulait emmagasiner visages et numéros de voiture. "Je veux aussi être un verbe" me disent ces refus devant ma posture de celle qui possède. Ma tentative de touriste chercheuse d'exotisme, est soudain remise en cause et me permet de découvrir l'envers du décor, non par mes indignations d'occidentale devant tout ce qui suscite la compassion, mais par le croisement des regards de ceux qui triment, qui subissent, qui n'ont pas d'horizon. ![]() Je comprends mieux pourquoi les échanges avec les chauffeurs de taxi lors des courses révèlent qu'ils ont tous fait des études, qu'ils connaissent et aiment les musiques contestataires le jazz, le rock, le reggae, le rap... Et qu'ils regrettent de n'avoir pas choisi l'exil pour tenter la chance. Ils expriment une rage qu'ils reportent sur le propriétaire de la licence qui loue le véhicule très cher, sur le tramway qui selon eux ralentit le flux des voitures, sur les taxis des campagnes (les bolides Mercedez appelés vaches folles) venus en ville, qui entassent les clients et cassent les prix. A l'instar de tous les marocains, Ils aiment leur roi, fédérateur, protecteur, garant de leur dignité vis-à-vis de l'étranger parfois arrogant, "je suis un sujet". Casablanca est une ville vivante pétrie d'initiatives. Des forces économiques, artistiques attestent sa dimension de métropole internationale où les événements sont pléthore, mais Casablanca est une ville dure, impitoyable sur cette route du pays arabe pour les classes sociales laborieuses moyennes et du quart-monde, et surtout pour leur jeunesse. "je veux être un verbe aussi" |
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